Dimanche de Pâques

Giotto (1266-1337), La Résurrection, Chapelle Scrovegni, Padoue, vers 1305, 20x18,5
De l'Épître aux Romains
Ou bien ignorez-vous que, baptisés dans le Christ Jésus, c’est dans sa mort que tous nous avons été baptisés ? Nous avons donc été ensevelis avec lui par le baptême dans la mort, afin que, comme le Christ est ressuscité des morts par la gloire du Père, nous vivions nous aussi dans une vie nouvelle. Car si c’est un même être avec le Christ que nous sommes devenus par une mort semblable à la sienne, nous le serons aussi par une résurrection semblable ; comprenons-le, notre vieil homme a été crucifié avec lui, pour que fût réduit à l’impuissance ce corps de péché, afin que nous cessions d’être asservis au péché. Car celui qui est mort est affranchi du péché.

Mais si nous sommes morts avec le Christ, nous croyons que nous vivons aussi avec lui, sachant que le Christ une fois ressuscité des morts ne meurt plus, que la mort n’exerce plus de pouvoir sur lui. Sa mort fut une mort au péché, une fois pour toutes ; mais sa vie est une vie à Dieu.

 
Et vous de même, considérez que vous êtes morts au péché et vivants à Dieu dans le Christ Jésus. ( Rm 6, 3-11)
De l'Épître aux Colossiens
C’est en lui que vous avez été circoncis d’une circoncision qui n’est pas de main d’homme, par l’entier dépouillement de votre corps charnel ; telle est la circoncision du Christ : ensevelis avec lui lors du baptême, vous en êtes aussi ressuscités avec lui, parce que vous avez cru en la force de Dieu qui l’a ressuscité des morts. (Rm 2, 11-12)
De l'Épître aux Galates
Vous tous, qui avez été baptisés dans le Christ, vous avez revêtu Christ : il n'y a plus ni juif ni grec, il n'y a plus ni esclave ni homme libre, il n'y a plus ni homme ni femme ; car tous vous ne faites qu’un dans le Christ Jésus (Ga 3, 27-28).
De saint Jean Chrysostome, évêque
Que tous ceux qui cherchent Dieu et qui aiment le Seigneur viennent goûter la beauté et la lumière de cette fête ! Que tout serviteur fidèle entre avec allégresse dans la joie de son maître ! Que celui qui a porté le poids du jeûne vienne maintenant recevoir le denier promis ! Que celui qui a travaillé dès la première heure reçoive aujourd’hui son juste salaire ; quelqu’un est-il venu à la troisième heure ? Qu’il célèbre cette fête dans l’action de grâce ! Que celui qui est arrivé seulement à la sixième heure soit sans crainte : il ne lui manquera rien.
S’il en est un qui a attendu jusqu’à la neuvième heure, qu’il s’approche sans hésitation. Et même s’il en est un qui a traîné jusqu’à la onzième heure, qu’il n’ait pas peur d’être en retard ! Car le Seigneur est généreux : il reçoit le dernier aussi bien que le premier ; il accorde son repos à celui qui s’est mis au travail en fin de journée comme à celui qui a peiné tout le jour. Au dernier il fait grâce, et il comble le premier ; à celui-ci il donne, à celui-là il fait miséricorde. Il reçoit le travail et il accueille avec amour le désir de bien faire ; il reconnaît le prix de l’action mais il connaît la vérité de l’intention. Aussi bien, entrez tous dans la joie de votre Seigneur ! Et les premiers et les seconds, soyez comblés. Riches et pauvres, communiez dans la joie.
Avez-vous été généreux ou paresseux ? Célébrez ce jour ! Vous qui avez jeûné et vous qui n’avez pas jeûné, aujourd’hui réjouissez-vous ! La table du festin est chargée : goûtez-en tous sans l’ombre d’une réticence. Le veau gras a été préparé : que personne ne reste sur sa faim. Venez tous goûter au banquet de la foi ; venez tous puiser aux richesses de la miséricorde. Que personne ne gémisse sur sa pauvreté car à tous le royaume est ouvert. Que personne ne s’afflige à cause de ses péchés puisque le pardon a jailli du tombeau. Que personne n’ait peur de la mort : la mort du Sauveur nous en a délivrés.
Oui, il l’a écrasée au moment même où elle l’enchaînait ; il a désarmé l’enfer, celui qui est descendu dans nos enfers ! Il l’a jeté dans l’effroi pour avoir touché à sa chair. Cela Isaïe l’avait prédit : “L’enfer dans ses profondeurs frémit à ton approche”. Il a été frappé d’effroi parce qu’il a été réduit à rien ; il a été frappé d’effroi parce qu’il été joué. Il a été frappé d’effroi parce qu’il a été anéanti. Il avait saisi un corps et il s’est trouvé devant un Dieu ; il avait pris de la terre, et il a rencontré le ciel ; il s’était emparé de ce qui était visible et il est tombé à cause de l’invisible.

Mort, où est ta victoire ? Où est-il, ô mort, ton aiguillon ?” Christ est ressuscité et te voici terrassée. Christ est ressuscité et le prince de ce monde a été jeté dehors. Christ est ressuscité et les anges sont dans l’allégresse. Christ est ressuscité et il n’y a plus personne dans les tombeaux. Oui, Christ est ressuscité des morts, prémices de ceux qui se sont endormis. À lui la gloire et la puissance, dans les siècles des siècles !

* Jean Chrysostome fut évêque de Constantinople de 397 à 403.


Sermon de saint Grégoire de Naziance, évêque (329 – 390)
Les portes de l’enfer s’ouvrent, la mort est détruite, le vieil homme est déposé, et le nouveau, enfin, libéré. […] Hier attaché à la croix avec le Christ, je suis glorifié aujourd’hui avec lui. Mourant hier avec lui, aujourd’hui, avec lui, je reviens à la vie. Enseveli hier avec lui, aujourd’hui, avec lui, je ressuscite. […] Soyons comme le Christ, puisque le Christ a voulu être comme nous. Devenons dieux par lui, puisque aussi bien il est devenu homme pour nous.

*Image : Giotto (1266-1337), Le jugement dernier (détail), Chapelle Scrovegni, Padoue, vers 1305, 20x18,5

2. LA FRESQUE DE GIOTTO.

Le peintre illustre ici la rencontre de Jésus avec Marie-Madeleine au matin de Pâques (Jean 20, 11-18). Il représente Madeleine aux pieds de Jésus ressuscité. On peut penser qu'il s'inspire pour cela des deux rencontres précédentes : la résurrection de Lazare où il est dit en effet qu'elle "tomba à ses pieds" (Jean 11, 32) ; et l'onction de Béthanie, où elle s'occupe à lui masser les pieds avec ses cheveux (Jean 12, 13).

 

Giotto (1266-1337), La Résurrection (détail), Chapelle Scrovegni, Padoue, vers 1305, 20x18,5

Mais dans le jardin du matin de Pâques, la scène est toute différente. Ce texte-ci, d'ailleurs, ne dit pas que Madeleine tombe aux pieds de Jésus. L'apparition du matin de Pâques renvoie plus fondamentalement à la toute première rencontre de l'homme avec sa femme — "une aide en vis à vis de lui" (une femme debout devant lui) — au premier matin du monde (en Genèse 2). C'est dans cet écho des commencements que la Tradition a relu ce passage de l'évangile de Jean (Jean 20, 11-18). Ainsi les paroles de Jésus et le geste de Madeleine au matin de Pâques se déploient-ils dans un horizon de sens beaucoup plus large que ce que l'on entend habituellement dans les commentaires les plus courants :

"PAR SON GESTE, elle le confirme dans sa mission de Fils. De même qu’au seuil de sa passion, Marie lui a massé les pieds avec ses cheveux pour le préparer à une mort programmée, aujourd’hui avec la même application Madeleine le touche : elle fait l’état des lieux, elle entre en reconnaissance*. La portée du geste de Madeleine une fois encore est à mesurer à son impact sur Jésus et à l’action qu’il engage aussitôt : « Cesse de me toucher car je ne suis pas monté encore vers le Père ; mais va-t-en vers mes frères et dis-leur… » (Jn 20, 17). "Cesse de me toucher" n’exprime pas la désapprobation abrupte de celui qui en éprouverait quelque désagrément ; "cesse" désigne une opération en cours — le toucher — à laquelle doit maintenant succéder une nouvelle action qui, pour lui, consistera à monter vers le Père et, pour elle, à aller vers les frères.

Monter vers le Père est lié à sa mission de Christ. Y aller préparer pour ses amis une place est l’obsession des chapitres de Jean qui précèdent la Passion. Au sortir du tombeau, le toucher de Marie-Madeleine assure à Jésus — le Christ — le suivi de son identité charnelle jusque dans son extension en Corps du Christ Ressuscité. Par son geste, elle le confirme dans sa mission de Fils : récapituler en sa chair tous les peuples — ses frères — pour les porter au Père.

Monter vers le Père et aller vers les frères se résout ainsi, pour Jésus et pour Madeleine ensemble, en un même acte conjugué au seul vouloir du Père. "Va dire à mes frères", la prie Jésus. C’est pour elle au sens propre se faire porte-parole. Les apôtres n’ont pas encore vu le Ressuscité mais ils voient cette femme. C’est leur première apparition pascale. Jésus a envoyé auprès d’eux la "chair de sa chair" qui témoigne de lui. On se souvient de la création d’une femme au premier matin du monde, bâtie du côté de l’homme endormi. S’éveillant du tombeau au matin de Pâques, le Christ ressuscité trouve lui aussi une femme en vis-à-vis. Cette fois, elle a un nom : "Marie ! " Chair de sa chair, ressuscitée elle aussi. Rapatriée, restaurée dans la chair de cet homme-premier-né-d'entre-les-morts (cf Col 1, 18), dont elle ne s’est à aucun moment absentée. Les noces ont commencé dont les femmes sont, sur terre, les témoins apaisés".

Viviane de Montalembert,
in "Un homme, une femme et Dieu", p. 401-403
*On pourrait traduire : "Ne fais (plus) l’action de toucher que tu es en train de faire" ; d’où la traduction : "cesse de me toucher". L’injonction de Jésus — "cesse" — signifie donc ici qu’à l’action en cours (celle de le toucher) doit maintenant se substituer une autre action qui lui fait suite.

Image : Georges Rouault (1871 - 1958), "demain sera beau, disait le naufragé", eau forte, 50,5 x 65, 5, Miserere, edition définitive 1948.

 
Giotto (1266-1337), La Pentecôte, Chapelle Scrovegni, Padoue, vers 1305, 20x18,5

Lecture +
Charles PÉGUY, "Le porche du mystère de la deuxième vertu",
NRF, Poésie / Gallimard (poche)

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