à Propos


Viviane de Montalembert


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SUITE…

 

 
 
 
 
 
On regarde les gens
 
Le temps s’est remis au “beau”. Aux heures libres, on s’assoit aux terrasses de café, ou on flâne dans les magasins, on circule, la ville à nouveau à portée de mains. Ou bien c’est dans le métro, au bureau, chez soi, à l’hôpital, ou à la télé : on regarde les gens ! Des visages, des corps, une expression. C’est de la chair qui déambule, qui a des soucis, qui se préoccupe, qui voudrait survivre, qui se raccroche, De la chair individualisée, comptable à l’unité. Des femmes ou des hommes, vieux ou jeunes ? parfois on ne sait pas tout de suite.

Pourquoi est-ce si intéressant ? On regarde. On voudrait comprendre : où s’en va-t-elle, où court-elle , et que cherche-t-elle cette chair qui nous fait, eux et moi, tellement pareils ?

Et peu à peu, après des années à regarder, on commence à voir. On apprend à percevoir, d'un individu à l'autre, des mouvements différents : chez les uns, une certaine ténacité à faire du neuf, à alléger, à semer du rire et du plaisir ; et chez les autres, une tension, un sourd mécontentement, une menace : de tout leur poids, ils pèsent.

On les voit, sur les plateaux de télévision, ceux dont le regard est vif, constamment en éveil ; ou ceux dont l’expression retombe aussitôt que la caméra n’est plus braquée sur eux. Mais aussi dans la rue, ou dans les magasins : une certaine façon de rendre la monnaie, d’échanger un regard ou au contraire de se détourner, de se faire désirer. En famille, au travail ou dans les communautés, voir devient plus difficile, quand la violence se fait tout sucre et miel et déploie ses arguments, au nom du bien et de ce que l’on doit.

Ainsi va la chair, bienveillante ou hostile, selon l’intention qui la motive. Plus nombreux sont ceux qui pèsent que ceux qui se font légers. Mais va-t-on, ceux-là, les aimer moins pour ça ? Non. Mais “aimer” alors est un combat.

Ces jours derniers est apparu sur nos écrans le visage de Natacha Kampusch, une jeune Autrichienne de 18 ans kidnappée alors qu’elle avait dix ans. Après huit ans de séquestration, le 23 août dernier elle a enfin réussi à échapper à son ravisseur. Apprenant sa fuite celui-ci s'est jeté sous un train, suicidé. Les commentateurs se sont alors étonné d’entendre la jeune fille affirmer qu’elle porterait le deuil de son geôlier. On a aussitôt parlé du “syndrome de Stockholm”1 et de “relation ambivalente”2. Mais pourquoi ne pas penser que cette jeune femme ait pu éprouver, pour celui qui se faisait appeler “maître”, tout simplement de la compassion ?

La compassion est une propension de la chair personnelle à entrer en connivence avec une autre chair, pour l’alléger de son fardeau. C’est un choix, une vocation, une mission qui donne le goût, à temps plein, de regarder les gens.

Viviane de Montalembert 09 06

1. Le “syndrome de Stockholm” désigne la propension des otages partageant longtemps la vie de leurs geôliers à adopter peu ou prou le point de vue de ceux-ci, pouvant même aller jusqu’à éprouver de l’amour pour eux. Cela surprend? !

2. On l’a dit aussi de Florence Aubenas, la journaliste de Libération retenue comme otage en Irak pendant plusieurs mois, en 2001. Il est vrai qu’on ne l’a entendu exprimer aucun sentiment de haine envers ses geôliers, manifestant presque de la sympathie pour certains d’entre eux.

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