Mot à Mot


Philippe Lefebvre

 

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SUITE… 

 

 

Le dimanche pour l'unité des Chrétiens 

L'unité passera par moi

Marc 7, 31-37

"Et, de nouveau sortant du territoire de Tyr, Jésus vint par Sidon vers la mer de Galilée, en pleine Décapole. Et on lui amène un sourd qui parlait avec difficulté, et on le prie de poser la main sur lui. Le prenant hors de la foule, à l'écart, il lui mit ses doigts dans les oreilles et, crachant, il lui toucha la langue. Et levant les yeux au ciel, il poussa un gémissement et lui dit : “Ephata”, c'est-à-dire : “Ouvre-toi !” Alors ses oreilles s'ouvrirent et fut dénoué le lien de sa langue : il parlait correctement. Il leur enjoignit de ne rien dire à personne. Mais plus on le leur enjoignait, plus ils le proclamaient. Les gens étaient extrêmement frappés et disaient : "Il fait tout bien, il fait entendre les sourds et parler ceux qui ne parlaient pas".

Jésus, spécialiste du corps

Des doigts, des oreilles, de la salive, une langue touchée : si l'on ne savait pas qu'on avait un corps, maintenant on le sait. Jésus s'approche du corps de manière discrète, avec pudeur (il ne fait pas de miracle en public, comme on l'attend de lui), mais aussi de manière directe, intime, tactile : la chair, ça le connaît. L'incarnation des hommes, il sait ce que cela veut dire. Un corps, ses humeurs, ses organes ne lui font pas peur. Voilà donc le lieu où se situe l'action et la parole : le corps, la chair. C'est là que quelque chose va se passer, pas ailleurs.

Un homme, dans sa chair, devant Jésus : cette situation est utile pour penser l'unité. La foule a amené cet homme. On pourrait dire alors que le personnage important est le groupe, la communauté, qui agit d'un même mouvement. Mais pas tout à fait, pas tout de suite.

Rencontre personnelle

Jésus souligne bien que, au commencement, il y a la rencontre personnelle, le face à face avec lui. On pourrait presque dire que cet homme sourd qui parle difficilement, Jésus l'enlève à la foule ; il le lui arrache, le temps de le rencontrer, d'agir pour lui, de lui parler. La foule semble bien sympathique : après tout, ces gens amène l'homme handicapé à Jésus. Oui, mais on a un peu l'impression qu'ils savent déjà ce que Jésus devrait faire : "poser la main sur lui". Le scénario est déjà fait.

Alors : stop ! Il faut laisser à Jésus le soin de faire ce qu'il a envie de faire, dans cette circonstance-là, avec cet homme-là. Il en va toujours de même avec chacun : qu'est-ce que le Christ a à me dire, qu'est-ce qu'il veut faire pour moi, que personne ne pouvait prévoir ? L'unité entre tous commence par la rencontre du Christ avec chacun.

En prenant cet homme à part, Jésus montre sa relation à cet homme, il l'apparie, il l'apparente à lui. Ce que Jésus est et a, il va faire en sorte que cet homme le soit et l'ait aussi. Jésus est le Verbe, il apporte la parole du Père : il va donc redonner à cet homme la parole perdue ; Jésus écoute le Père et il entend tous ceux qui s'adressent à lui en vérité : il redonne à cet homme la faculté d'entendre. Deux hommes dans la chair, deux fils, apparaissent.

Qui est qui ?

Redisons le texte : "Il dit : "Ephata", et ses oreilles s'ouvrirent et il parlait et il leur enjoignit de ne rien dire". "Ses oreilles s'ouvrirent" : les oreilles de Jésus ? Non : celle de l'homme. "Il parlait" : Jésus ? Non : l'homme guéri. "Il leur enjoignit" : l'homme guéri ? Non : Jésus. On finit par comprendre à la lecture qui est qui. Il n'empêche : on peut d'abord s'y tromper, et il faut écouter à deux fois. C'est un effet fréquent dans l'évangile de Marc. Quand Jésus est avec un autre : il manifeste si fort sa parenté avec lui que cet autre est configuré à lui. Ce que l'on dit de Jésus, on le dit de l'autre, et réciproquement.

Cela ne signifie pas que l'on perd sa personnalité et que la rencontre avec Jésus serait à ce prix. Cela signifie qu'on a un même Père, que le même Esprit agit en nous, que l'on trouve ainsi son unité personnelle dans la personne du Fils. Chacun trouve son identité par lui, avec lui et en lui.

Cet homme, à l'intime de sa chair touchée par un geste de Jésus qu'une parole accompagne, est manifesté dans sa beauté de fils : il parle, il entend.

Retour au groupe

Il peut être rendu à la foule. Elle n'est plus dangereuse. Cet homme désormais dira ce qu'il veut et ce qu'il ne veut pas ; il entendra et triera ce qu'il aura entendu. Il a maintenant une mesure grâce à laquelle il pourra mesurer tout geste et toute parole : les gestes et les paroles de Jésus.

Jésus demande à la foule de ne rien dire : "plus il le leur disait, plus les gens annonçait". Là encore, cela peut passer pour très bien : après tout, ils font de la pub à Jésus, ils évangélisent à leur manière. Mais ce n'est pas ce que Jésus a dit : ils n'ont pas entendu. Ils ont sans doute de bonnes oreilles, eux qui n'ont pas eu besoin de guérison ; ils ont une bouche qui fonctionne bien, eux qui annoncent le miracle de plus en plus. Mais apparemment, ils n'entendent pas et ils parlent à contre-temps, à contre-sens. Ils croient peut-être faire l'unité autour de la personne de Jésus, sans écouter ce que Jésus dit à ce moment-là. Et c'est dommage.

Éphata

"Ephata, ouvre-toi" : il ne s'agit pas de s'ouvrir tout le temps, à tout, à tous. Je m'ouvre parce que le Christ me le dit, à moi, dans des circonstances précises que personne d'autre ne sait.

"Ephata, ouvre-toi" : ouvre-toi au jour le jour pour écouter "ce que l'Esprit dit aux Églises", ce que le Christ demande précisément. L'unité ne se fait pas par des mots d'ordre ni des slogans ni de la pensée toute faite ni des bons sentiments qui finissent par ne plus être bons si on les ressort tout le temps. L'unité se fait au pas à pas, à l'écoute, pas de manière indue.

"Ephata" : ouvre-toi, toi, au Christ qui vient, à l'Esprit qui libère, au Père qui t'engendre. Ouvre-toi, toi, et tu seras utile à l'unité du "corps qui est l'Église" (Colossiens 1, 18).

Philippe Lefebvre 01 07

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