Bouch'Bée


Philippe Lefebvre

 

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SUITE…

 

 

L'immeuble Yacoubian
un film -égyptien- de Marwan Hamed, 2005 (France 2006)



L'IMMEUBLE YACOUBIAN EST UNE BELLE MAISON du Caire, construite dans les années 1930 par un architecte italien ; elle se trouvait alors dans un quartier résidentiel et offrait ses appartements aux riches bourgeois et aux dignitaires du régime. Et puis Le Caire est devenu une énorme ville, Nasser est arrivé au pouvoir, tout a changé. Il ne reste aujourd'hui dans cet immeuble que quelques vestiges des gloires passées : un vieux pacha, fils d'un ministre d'autrefois, et sa soeur hystérique, un directeur de journal, produit de l'ancienne intelligentsia occidentalisée, et puis toutes sortes de gens dont beaucoup se sont installés misérablement sur les toits. L'immeuble résume l'Égypte. Le film dure trois heures et suit les destins de plusieurs habitants de la maison : le pacha et ses conquêtes féminines, le journaliste et ses conquêtes masculines, l'homme d'affaire machiavélique sous des dehors de musulman religieux, les travailleurs coptes dont la foi chrétienne s'accommode de pas mal de compromissions, les misérables exclus de tout. Tous ces personnages font comprendre quelque chose de l'Égypte et des pays en voie d'expansion : la coexistence du passé et du présent, des citadins et des déracinés venus de la campagne, des sociétés traditionnelles et du capitalisme européen, américain, japonais etc. On y aborde les sujets qui fâchent (le film a eu beaucoup de problèmes avec la censure en Égypte) : comment un jeune homme plein d'avenir mais pauvre devient frère musulman ; comment une corruption cynique soude des hommes politiques et des affairistes ; comment la religion travaille au maintien d'une société inégalitaire, "pharisienne" ou au contraire verse dans la violence meurtrière ; comment les femmes sont obligées de devenir "putes ou soumises"…

Le film m'a fait penser au cinéma italien de l'après-guerre : les films avec Mastroiani et Sophia Loren dans une Italie populaire grouillante de vie, puis les grandes sagas de Fellini. C'est drôle, c'est émouvant, c'est horrible (des scènes de torture policière, d'entraînement au jihad). Il y a un fond de naïveté, finalement sympathique, dans l'intention pédagogique parfois un peu soulignée (on veut expliquer des choses de société). Mais c'est vraiment un film, une œuvre d'art qui ne propose pas de thèses pour changer le monde, mais montre et en montrant démontre. Tout finit dans une noce, improbable, qui tente d'unir l'ancien et le nouveau, de donner une sorte d'accomplissement à un monde en mille morceaux. Il faut voir L'immeuble Yacoubian.

Philippe Lefebvre 09 06

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