Mot à Mot


Viviane de Montalembert



 


Il s'est fait obéissant
 Philippiens 2, 7-8
 

"Jésus a pris la condition de serviteur, et s'est fait obéissant jusqu'à la mort et la mort de la Croix".

LES MANIPULATEURS, LE TERME EST À LA MODE. "Apprendre à les reconnaître pour mieux s'en protéger"1 peut apparaître comme une démarche utile à quiconque veut sauver sa vie, un réflexe de santé. C'est chacun pour sa peau, et pourquoi pas ? Dieu, après tout, ne peut que s'y rallier.

Pourtant le juste, subtilement, y a mauvaise conscience. Il veut aimer ses proches. Mais comment faire, si ce n'est se plier à leurs fantaisies, indéfiniment s'y soumettre ? Leur échapper, les abandonner à leur cœur endurci, serait-ce encore les aimer ? Là est tout le paradoxe chrétien, l'issue inconcevable.

Aimer, en terme évangélique, s'apparente à servir. Servir, dans le langage biblique, n'a rien de péjoratif ni de dégradant. Servir, c'est très sérieux, un acte noble ; c'est "suivre", s'associer, se faire disciple, épouser une cause, entrer en partenariat. Le titre de "serviteur du Seigneur" est attribué à celui qui épouse la cause de Dieu au point d'en faire sa propre cause, rien moins. Servir, implicitement ou explicitement instaure un partenariat avec Dieu, un régime de cohabitation faite de sa présence.

Quand Jésus exhorte ses disciples à se faire serviteurs les uns des autres, il leur enjoint d'épouser la cause de leurs frères au point de vouloir qu'ils vivent, coûte que coûte, quoiqu'il en coûte ; les aimer "comme soi-même". Servir ses frères c'est, de tout son cœur, leur vouloir ce bien. Avec constance et opiniâtreté y appliquer son intelligence et tout son savoir-faire. C'est entrer dans une intelligence de leur vie que seul peut inspirer l'Esprit, instamment la lui demander. C'est cela "aimer". C'est presque un métier. Tout y est à chaque instant affaire d'intuition, d'attention, de risque, mais aussi de circonstances. On n'en connaît pas d'avance les chemins.

Avons-nous assez insisté sur la compassion due au prédateur ? Le juste échappant au pouvoir du méchant ne sauve pas sa peau, il la risque au contraire ; pour servir le méchant, précisément, là où il ne l'attend pas. La tradition chrétienne n'est faite que de cela. Les martyrs, lorsqu'ils refusent de se prosterner devant César pour n'adorer que Dieu, cherchent-ils à humilier César en le mettant en concurrence avec Dieu ? Non. Témoigner de Dieu devant César, c'est possiblement l'arracher à sa terreur suicidaire, pour qu'il vive.

Échapper au prédateur n'est pas d'abord pour soi. Mais pour lui. C'est obéir à Dieu qui ne veut pas la mort du méchant, mais qu'il vive2. Il ne peut en être autrement. C'est l'ultime étape de l'amour et du service, souvent - public ou privé - celui du martyr. Qui comprendra ?
 
Viviane de Montalembert 10 05

1. Isabelle NAZARE-AGA, "Les manipulateurs sont parmi nous. Qui sont-ils ? Comment s'en protéger ?" Les éd. de l'homme. 2000.
2. Livre d'Ezéchiel, chapitre 18, verset 23.

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