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Philippe Lefebvre

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14ème Dimanche du Temps ordinaire

Joug contre joug

Matthieu 11, 25-30

Je voudrais commencer par la fin – la fin de notre évangile : quel est ce joug que Jésus nous propose ? Il a beau être léger comme il le précise aussitôt, cela semble néanmoins quelque chose de plus à nous mettre sur le dos. Pourtant tout commençait si bien, tout semblait léger. Jésus nous orientait vers une vie sans charge, sans fardeau. Le Père du ciel, nous a-t-il dit, donne gracieusement sa sagesse aux humbles de ce monde. Il n’y a pas d’études pesantes à faire : ce que le Père veut révéler est donné. De plus, le Fils se fait connaître à ses amis et, à ceux qui plient sous le poids de l’existence, il promet le repos. Pourquoi donc termine-t-il un si beau programme en vantant un joug et un fardeau qu’il veut nous imposer ?

Réfléchissons et, puisque la vérité est révélée aux tout-petits, interrogeons-nous sans arrogance, sans prétendre tout de suite savoir ! D’abord si Jésus nous propose « quelque chose » qui vient de lui, ce n’est pas pour nous accabler davantage. Cela ne lui ressemble pas. Il est venu parmi nous pour nous relever, pas pour nous faire ployer davantage. Souvenez-nous de ce miracle qu’il fait dans une synagogue de Galilée (Luc 8, 10-17) : une femme est toute courbée sans pouvoir jamais se redresser ; il l’interpelle, lui impose les mains, et voici qu’elle est toute droite. Le fardeau qui pesait sur elle, il le lui a enlevé !

Alors qu’est-ce que ce « joug » que nous devrions porter ? Un joug est une pièce de harnachement qui a d’abord pour fonction – c’est le sens même de ce terme – de joindre deux animaux appelés à une même tâche. Dans notre évangile de Matthieu (19, 6), Jésus emploie une autre fois l’image du joug, quand il évoque l’union d’un homme et d’une femme : « Ce que Dieu a mis sous le même joug, qu’un humain ne le sépare pas » - une phrase que l’on traduit souvent, de manière moins imagée, par « ce que Dieu a uni, que l’homme ne le sépare pas ». Jésus parle donc du joug pour évoquer la communion de deux êtres qui deviendront « une seule chair » comme il le dit en citant le texte de Genèse 2 : « L’homme s’attachera à sa femme et tous deux deviendront une seule chair ». Ils sont donc joints, conjoints, par un même joug.
Le joug que Jésus nous donne, qui conjoint-il ? Il unit chacun de nous avec lui. Être uni avec nous, avec chacun de nous, c’est ce que Jésus promet, attend, propose, lui que notre évangile de Matthieu appelle dès le chapitre 1 : Emmanuel, Dieu avec nous. Nous sommes unis à lui par ce joug, il marche à notre pas et nous apprenons à marcher au sien. Pourquoi ce joug est-il léger ? Parce qu’il n’est pas « quelque chose » qu’il faudrait endosser de surcroît. Ce qui nous unit au Christ sans peser d’aucun poids sur nos épaules a un nom dans le Nouveau Testament : c’est l’Esprit saint ! Voilà le fardeau léger, le joug qui facilite notre vie ; il établit entre le Christ et chacun de ceux qui l’approchent une communion que rien ne peut briser.

Pourquoi ne pas dire tout de suite qu’il s’agit de l’Esprit ? Parce que nous sommes encore dans les débuts de la prédication de Jésus. Ses disciples n’ont pas encore reconnu en lui le messie, le Fils de Dieu : comment leur parler de l’Esprit saint ? Et puis surtout, l’union avec Jésus, elle se vit d’abord, elle s’expérimente. Approchez-vous de Lui, soyez unis à Lui, prenez ce joug qu’il nous pose sans qu’il pèse, et vous comprendrez plus tard, vous apprendrez ce qu’est ce joug, qui est ce joug.
Dès lors, l’ensemble des paroles du Christ prend tout son sens. Jésus parle à son Père et ne se lasse pas de le nommer, de l’invoquer. Il lui parle comme le Fils, le Fils qui brûle de nous unir à Lui par l’Esprit comme lui-même est uni au Père par l’Esprit. Ce que Jésus demande au Père, c’est de nous inviter dans cette vie personnelle, débordante, cette vie qui circule et se propage et qu’on appelle la Trinité.

Venons-en à cette exultation de Jésus : « Père, ce que tu as caché aux sages et aux savants, tu l’as révélé aux tout-petits ». Que signifie « tout petit » ? Le mot grec, nèpios, qui est traduit ici par « tout petit » désigne en premier lieu le bébé qui reçoit tout et qui absorbe tout, pour vivre, pour apprendre, pour grandir. Les aliments, les bruits, les sensations, les mots, les visages : voilà ce que le « tout petit » intègre, repère, reconnaît, voilà ce dont il s’imprègne de manière vitale à chaque moment. C’est une image parlante pour désigner d’abord le Christ : il reçoit tout du Père, tout lui est donné par le Père ; le Fils est le premier des « tout petits ». Et ce qu’il veut, c’est que nous recevions par Lui, unis avec Lui par le joug, ce qu’il reçoit du Père.  Pour cela, il faut être dans les mêmes dispositions que Lui : recevoir joyeusement, tout le temps.

Être des petits qui absorbent tout et recevoir un joug qui ne pèse rien ; être petit avec le Premier des petits qui est le Christ et recevoir l’Esprit qui nous unit à Lui, cela a un nom, un terme technique : être chrétien.

Philippe Lefebvre 07 14

 

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