À Propos

Viviane de Montalembert

Courrier :
Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser.

Précédemment :

  ♦ "Tu aimeras…"
  ♦ "Seigneur, tu m'as
       séduit…"
  ♦
"Pardonner", une
     mission ?

et autres articles

Humeur

Le monstre
et l’homme normal

Les medias, une fois encore, bruissent de la révélation à jamais inconcevable d’un homme, bon père de famille, travailleur modèle, citoyen dévoué, excellent voisin, qui se révèle être un violeur multi récidiviste. La parole est au procureur, à l’expert, et plus encore au psychologue qui vient à l’écran expliquer que l’homme sans doute a subi dans son histoire une humiliation telle qu’il se trouve dans l'obligation, pour apaiser son angoisse, de violer des femmes. Un homme tellement normal ! Le voisin, le frère, et même le maire de son village viennent au micro en attester. La discussion s’engage alors sur le plateau, pour arriver enfin à cette conclusion qui aujourd’hui fait figure de dogme : puisque cet homme, criminel à ses heures, est dans sa vie ordinaire, familiale et citoyenne, un homme si normal, alors c’est que nous tous, les gens normaux, nous portons en nous cette même possibilité d’être, nous aussi, des violeurs et des meurtriers. Qui d’entre nous, en effet, n’a pas eu un jour ou l’autre envie de tuer ?, interroge le thérapeute. Le raisonnement est imparable.

Eh bien moi je vous dis – et je ne suis pas la seule – que je n’ai jamais voulu tuer personne. J'ai eu envie que mon ennemi disparaisse de ma vue, oui ! Mais envie de le tuer, non ! C’est sans doute que je ne me suis jamais crue – et on me l’a dit –, je n’ai jamais pu me croire une personne « normale ». Un monstre, peut-être – je l’ai craint et parfois je l’ai cru – mais une personne normale, non. J’ai essayé, mais je n’ai pas réussi. Parce que la personne normale, telle qu’on l’entend ici, sait faire parfaitement ce qui m’est impossible : obéir en tout temps aux normes et aux injonctions qui lui viennent de la société et de son entourage, et forger son image sur les attentes et les exigences de ses proches. Cet individu-là, jour après jour, se fabrique un personnage et s’exerce à croire à son mensonge. C’est l’employé modèle, la mère parfaite, le pieux religieux, l’ami dévoué. La normalité est un clonage social et identitaire qui, sous couvert de s’intéresser aux autres, ne pense qu’à soi et n’est tourné que vers soi. La normalité par essence est meurtrière, qui écrase et broie tous ceux qui ne lui obéissent pas – ceux qui ne sont pas du même parti, pas de la même famille, pas du même sexe, pas du même pays, pas des mêmes mœurs, et qui échappent à son hégémonie.

Alors, oui, ils avaient raison finalement, ces doctes intervenants qui devisaient sagement sur un plateau de télévision de ce monstre que l’on venait de débusquer dans un village, quelque part dans le Nord de la France : l’homme normal n’est pas différent du monstre en effet, et il arrive que cela se voie. C’est pourquoi il peut être réjouissant parfois de n’être pas « normal ».

Viviane de Montalembert 03 18

LA LETTRE
vous informe
de l'actualité de
LaCourDieu.com

Votre courriel :

Merci d'indiquer
le n° du jour (ex: 21 si
nous sommes le 21 juin).