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![]() L'amitié
de Giorgio Agamben* Traduit de l'italien par Martin Rueff C'est ici un tout petit livre jubilatoire, à offir à ceux qui aiment – et qui aiment la philosophie.
Relisant Aristote**, l'auteur y célèbre l'amitié qui ne se décrète pas, mais qui se vit comme "un partage purement existentiel, et pour ainsi dire, sans objet : l'amitié comme le consentement au pur fait d'exister." Car en effet, l'existence est désirable [dit Aristote] parce qu'on sent qu'elle est une bonne chose, et cette sensation est une chose douce par elle-même.
Mais alors pour l'ami aussi il faudra con-sentir qu'il existe et c'est ce qui arrive quand on vit ensemble et qu'on partage des actions et des pensées. L'amitié apparaît alors comme l'instance de ce con-sentir l'existence de l'ami dans le sentiment de sa propre existence. Ainsi, "les amis ne partagent pas quelque chose (une naissance, une loi, un lieu, un goût) : ils sont toujours déjà partagés par l'expérience de l'amitié. L'amitié est le partage qui précède tout autre partage, parce que ce qu'elle départage est le fait même d'exister, la vie même", ajoute Agamben.
Or, "c'est cette partition sans objet, ce con-sentement original qui constitue la politique", conclut-il. Cette mention de la "politique" à la fin du livre étend ainsi le spectre de l'amitié à toute la communauté humaine et, en son sein, à tous les "gens de bien", comme les nomme Aristote – faisant écho à cette autre parole, de Jésus dans l'Évangile de Jean : Je ne vous appelle plus serviteurs mais amis...***
Viviane de Montalembert 02/20
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* Giorgio Agamben, L'amitié, Ed. Payot & Rivages, Rivages poche, Petite Bibliothèque, Paris, 2017, 41 p. 5,10 €. ** Arisote, L'éthique à Nicomaque, 1170A 28-1171b 35. *** Jean 15, 15
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